jeudi 25 novembre 2010

Lettre à Marc

Marc,
Marc,
Marc, Marc, Marc,

Déjà, tu n’es pas sale et tu n’es pas laid. Même sans moi. Au pire, tu as la mine légèrement tirée mais guère plus.

D’autre part, je ne suis pas ton « baby » et à ce titre, je ne peux pas « come back ».
Oui, tu as laissé passer ta chance. Je suis un oiseau rare que tu as laissé passer. Triste vie que la tienne désormais.

Ensuite, pour répondre aux questions qui jalonnent ta lettre :

- Comment partager mon bonheur ? C’est vrai, bonne question… Comment ? J’ose proposer une participation financière qui peut être une certaine forme de partage. A défaut de m’avoir dans ton lit (tu as vraiment laissé passer ta chance), tu peux me coucher sur ton testament.

- Comment penser qu’il existe un demain, qu’il existe d’autres terres que mon corps, qu’il existe un cœur où ton exil sera possible ? Difficiles questions. Je ne suis pas sûre à 100 % que tu trouves un meilleur refuge que le mien dans le corps d’une autre. Ça n’est pas du tout garanti. Il est possible, tu dois t’y préparer, que tu restes un orphelin sans patrie jusqu’à la fin de tes jours. Décidément, tu as vraiment laissé passer ta chance. En plus, l’expérience prouve que je suis une terre fertile…

- Dans le passé, je t’ai appelé, j’ai crié ton nom, je suis venue à ta rencontre, j’ai ouvert mes bras. Comment, alors, n’as-tu pas su m’accueillir ? La meilleure question pour la fin. Comment n’as-tu pas su ? Cela restera un mystère. L’aveuglement, sans doute. La jeunesse, l’immaturité peut-être, la crainte aussi peut-être face à tout ce bonheur, la peur du risque, la peur de ne pas être à la hauteur, le doute, l’angoisse de ne pas savoir me rendre heureuse. Bref, tu es resté immobile, tu le regrettes aujourd’hui et tu as raison. Tu t’en expliqueras le jour du Jugement Dernier.

Réfléchis à tes erreurs, mûris-les, pose-toi quelques bonnes questions, trouve tes réponses et reviens me voir dans quelques temps. Nous reparlerons de tout cela posément et nous verrons ce qu’il est possible de faire. Je ne suis pas non plus un monstre de cruauté.

A bientôt, Marc. Prends soin de toi et ne rumine pas trop tout cela. Même si tu ne trouveras pas mieux, ta vie n’est pas finie pour autant. Be strong.


Aurélie

Lettre à Aurélie

Chère Aurélie,
Ma si chère Aurélie,
Mon Amour,
Ma vie,
Toi,
Toi, toi, mon toi,
Toi, toi, mon tout, mon toi,

Le ciel est gris. Il pleut sur Brest, dans mon cœur et sur le Lac Majeur.
Les gens sont tristes, mes mots sont tristes et mon cœur aussi.
Je suis malade, Serge aussi et mon cœur encore plus.
Bien sûr, je pourrais partager ton bonheur. Je pourrais. Le puis-je ? Le puis-je seulement ?
Quand l’Amour prend la forme d’une grande faucheuse qui vous anéantit. Quand penser à l’autre nous semble pire que la guillotine. La guillotine du cœur. Tu es la guillotine de mon cœur.
J’ai mal aux pieds d’avoir trop marché, mal au cœur de t’avoir trop cherché. Ici, là-bas, ailleurs, tu me sembles si loin. Partie au pays du bonheur sans moi. Je reste sur le quai, les bras ballants, le cœur ramolli, les larmes roulant sur mes joues.
Comment penser qu’il existe un demain, qu’il existe d’autres terres que ton corps, qu’il existe un cœur où mon exil sera possible. Comment, Aurélie, comment ? Mais oui, comment ?
Tu m’as appelé. Dans le passé, tu m’as appelé, tu as crié mon nom, tu es venu à ma rencontre, tu as ouvert tes bras. Comment, alors, n’ai-je pas su t’accueillir ? Quel aveuglement ! Ta beauté, sans doute, m’a-t-elle ébloui. Et me voici, aveugle, sourd, paralysé de t’avoir laissé passer. Passer et partir.
Je suis tout à toi, Aurélie, autant que tu as souhaité que je le sois.
Je ne rêve plus je ne fume plus, je n'ai même plus d'histoire. Je suis sale sans toi je suis laid sans toi. Je suis comme un orphelin dans un dortoir.
Reviens. Baby come back. Won't you please come back. Stay tonight. Hold me tight forever-eeeeever.


Marc (Lavoine)

jeudi 18 novembre 2010

Trouver son port d’attache


L’AVC d’un grand-père, le décès d’une mère, des licenciements abusifs teintés de harcèlement moral, le crabe rongeur, le suicide, le chagrin ineffaçable, des décès encore, des peines inconsolables, la dépression de l’une, la fatigue de l’autre… La peine qui vous touche, qui touche vos proches, qui touche les proches de vos proches.

Cette année aura été une année trop forte. Des émotions trop fortes et souvent trop douloureuses. Une année qui vous fait marcher doucement, en retenant votre respiration, en serrant les dents, en regardant le ciel se noircir, en se demandant ce que demain réservera de pire. En se demandant parfois si, au-dessus des nuages, le ciel est vraiment bleu.

Pour cette année, il nous fallait de quoi survivre. Il nous fallait quelque chose de fort, plus fort que tout le reste. Un antidote surpuissant.

La naissance d’un enfant.

Un bonheur incommensurable, un amour grandiose pour dépasser le reste et rebondir. Comme une sorte de lumière qui guide et qui justifie tout. Grâce à lui, le cap peut être maintenu. On révise l’ensemble à l’aune de cette petite merveille. Pendant les jours gris, on se demande comment il est possible que tant de bonheur arrive au milieu de tant de malheurs. On se demande si le poids des douleurs ne pèsera pas sur les épaules de ce petit être pour toujours. Mais il y a les jours roses. Quand on comprend que c’est bien du contraire dont il s’agit. C’était le moment. Il n’y avait pas de meilleur moment pour vivre ce bonheur. Au milieu du reste, la vie qui commence, des petits yeux indifférents à tout ça, un petit être uniquement dans l’attente de vous, qui vous réclame entièrement, qui a besoin de votre présence totale. Et avec lui, la vie qui prend le dessus. Les caresses, les baisers, l’admiration. Une vie qui se recentre autour d’un minuscule nombril. Un minuscule nombril qui devient votre point d’ancrage dans la tempête, un port auquel vous êtes rattaché, que rien ne pourra vous faire lâcher.

Alors c’est sûr, il n’y avait pas de meilleur moment et c’est ce qu’il faut croire. Il faut y voir un signe pour garder la tête hors de l’eau, impérativement. Car il existe un petit nombril qui a besoin d’amour, de sourires, de caresses, de bonheur, de légèreté. Il y a un petit nombril qui aura achevé de faire de cette année, une année puissamment forte.

Alors chers amis, chères amies, cher frère, cher mari, chers parents, nous savons les uns les autres les douleurs qui nous ont assaillis à tour de rôle, les mésaventures imprévisibles et autres événements déstabilisants. Chers tous, desserrons les dents, prenons une grande respiration, réchauffons nos mains. Vivons ce que l’on nous impose de vivre, gérons-le. Mais pour ce faire, concentrons-nous à ne souhaiter qu’une chose : que chacun trouve son port d’attache pour ne pas se perdre dans la tempête.

Je me dois de considérer la chance qui a finalement été la mienne. Car j’ai trouvé le mien. 2010 m’aura pris beaucoup de larmes, c’est sûr, mais m’aura aussi offert le plus beau des ports d’attache. Je me dois de me concentrer dessus, pour ne jamais penser qu’il y a plus important.

vendredi 12 novembre 2010

Partage d’expérience

Le partage d’expérience ou de savoir-faire est un truc génial. Un truc qui permet à d’autres de ne pas faire les mêmes boulettes que vous. Quand elle est bien employée, cette technique peut permettre à certains de gagner un temps considérable, de ne pas se faire arnaquer, de réussir plus rapidement, de paraître plus beau, plus intelligent, de ne pas divorcer,…

Aujourd’hui, je voudrais vous faire part de mon expérience, vous donner un conseil utile, vous guider vers la lumière, vous éviter de vous fourvoyer lamentablement. Je vais donc vous donner un conseil. Sans prétention, juste un petit conseil utile ; potentiellement salvateur. Un peu dans le style de « n’achetez jamais, ne consultez jamais, ne feuilletez jamais, n’ouvrez jamais une encyclopédie médicale. Surtout si elle contient des illustrations. »

Alors voilà : je vous conseille de ne jamais demander à votre mari s’il lui est possible de respirer moins fort en dormant afin que vous distinguiez mieux la respiration de votre enfant à travers le baby phone.

L’homme ne comprend pas cette requête. Inutile de tenter votre chance.

Ne me remerciez pas. Si je peux aider…

mardi 9 novembre 2010

Ça va mon Amour ? Ça va très bien.


Les valises étaient prêtes. Disposées dans ta petite chambre, à côté de ton lit. Des sortes de « valises théoriques » ; des valises que l’on fait en suivant une liste distribuée par la maternité mais sans vraiment savoir où l’on va ni de quoi l’on aura vraiment besoin.

J’ai perdu les eaux.
On se met debout.
‘Comment je m’habille ?’
‘La chienne. Que fait-on de la chienne ?’
‘As-tu laissé un jeu de clés quelque part ?’

‘J’ai un peu peur, tu sais.’

Allez, on y va.
C’est la nuit noire. Il n’y a personne sur la route à une heure du matin.

‘Tu ne roules pas un peu trop vite ?’
‘Où doit-on se garer ?’
‘Ça y est, je commence à avoir mal.’

‘C’est l’heure mon amour. C’est l’heure.’

La sonnette des salles d’accouchement. Une petite mélodie pour signifier notre présence. On vient nous chercher.
Il y a des minutes interminables. Celles des contractions. Et des heures qui passent à toute vitesse.
Il y a un monde parallèle dans lequel on accepte de rentrer. Se concentrer. Rester centrer sur soi. Penser à soi et à lui. Rien d’autre.

Les visites régulières de la sage-femme. Le parking presque désert. Quelques voitures y sommeillent. Le calme partout. Dans la chambre, dans les couloirs. Le monitoring, le rythme des contractions, le rythme cardiaque du bébé. Nos seules préoccupations.

‘On va aller en salle d’accouchement.’

Déjà ? Est-ce que je suis prête ?

Déjà ?

Neuf mois.

Le test de grossesse. La prise de sang. Les premières visites chez la gynécologue. Les échographies. La découverte du sexe. Le ventre qui s’arrondit. L’envie de concombres à la crème. La chaleur du mois de Juillet. L’inquiétude qui monte. La fatigue. Le choix du prénom. Les coups de pieds. Les caresses sur le ventre. Nos premières communications. L’attente. Les cours de préparation. Respirer, se relaxer, se préparer à l’événement.
Déjà ?

C’est l’heure ?

La grande salle nous attend. On ne reculera pas. On y va. C’est sûr, quoiqu’il fasse faire, je le ferai. J’irai. Je te donnerai la vie, mon petit garçon.

Le brumisateur. Encore, encore. J’ai soif. Merci mon cœur.

‘Poussez Madame, poussez !’
On va utiliser les forceps. Ne vous inquiétez pas.
‘On voit la tête. Il a des cheveux.’
‘Poussez Madame, poussez ! Vous poussez comme un chef !’
‘Ne poussez plus.’
‘Prenez-le ! Prenez-le !’

Il est là. Dans le creux de mes bras. Il tète mon doigt.
On le frictionne.
Comment s’appelle-t-il ?

Ça va mon Amour ?
Ça va.
Ça va très bien.