mercredi 26 janvier 2011

Pourquoi pas ?

"Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont en se demandant pourquoi. Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être en se disant pourquoi pas."

Il y a les moments sûrs de chez sûr, qui ne laissent aucune place au doute, qui s'affichent en lettres capitales. Dans ces moments-là, on sent bien que l'on est sur le haut de la vague. Rien ne nous résiste. Flui-di-té.

Il y a les moments moins certains. Ai-je vraiment envie de ce pain au chocolat ? Est-ce vraiment moi ce reflet dans le miroir ? Ai-je toujours voulu cette vie ? Il ne m'aurait pas regardé de travers l'autre tordu dans la rue ?

Dans le ping-pong des "pourquoi" et "pourquoi pas", il y a des jours qui s'achèvent sur le "pourquoi pas" et ceux qui laissent venir la nuit sur le "pourquoi".

lundi 24 janvier 2011

Signe ostentatoire inutile. A mon goût.

Elle brillait et scintillait. ça m'aurait presque dérangée.
Je trouve cela un peu honteux tout de même.
Selon l'inclinaison de la main, selon les gestes, selon l'éclairage, j'en prenais plein la vue. Signe ostentatoire dont tout le monde se serait bien passé. Nous aurions même préféré la légère marque laissée par le temps, les kilos ou le soleil. Quelque chose de plus discret que l'on peut faire semblant de ne pas avoir vu.
Mais là, aucune place au doute. Le signe classique et officiel.
J'en aurais fermé les yeux. Ou opté pour les lunettes de soleil. Pour ne pas risquer l'aveuglement, pour ne pas être marquée à vie par cet affront.
J'ai cligné des yeux, espérant par là que l'hallucination cesserait. Je me les suis frottée, espérant me réveiller, sortir de cet affreux cauchemar.
Mais rien. Elle était là, accrochée comme une moule à son rocher. Bien décidée à braver le temps qui passe.
Je trouve tout ça un peu déplacé. Vous n'iriez pas rencontrer le Pape en sous-vêtements. Et bien là, pareil. Mauvaise adéquation. ça n'était pas le lieu, pas le moment de l'afficher ainsi.
Je trouve tout ça un peu fort de café. Il devrait y avoir des règles. Des règles très strictes.
Marc Lavoine ne devrait pas avoir le droit de porter son alliance pendant ses concerts.
ça me gêne.

mercredi 19 janvier 2011

Le camping Atlantica

Ce matin - un lapin - alors que je trouillotais (je trouillote, tu trouillotes, il trouillote, nous trouillotons, vous trouillotez, ils trouillotent) - je tiens à préciser, par pure vantardise déplacée, que mon job ne consiste pas à trouilloter des dossiers, enfin pas que. Ce matin, alors que je trouillotais, la petite coquine était là. Posée délicatement dans la bannette à courrier. Son intitulé m'interpellait. Il criait mon nom, hurlait pour que mes yeux se posent sur lui. Comme je suis une fille bien élevée, j'ai continué de trouilloter sans y prêter attention. Sauf qu'il y a un couillon vicelard de petit diable qui est venu se poser sur mon épaule droite. "Vas-y Rélie, lis l'adresse sur le courrier. ça ne craint rien." Séduisant, le petit diable. Mais un petit ange bien sous tous rapports, un brin rabat joie, a ramené sa pomme sur mon épaule gauche. "Non, Rélie, un courrier c'est personnel et confidentiel. Continue de trouilloter. N'écoute pas ce méchant petit diable." "Tu t'en fous ! a surenchérit le petit diable. S'il est posé là, ce courrier, aux yeux de tous, c'est qu'il n'a rien de confidentiel ! Allez, juste un petit coup d'oeil, c'est pas la mort !"
Elle trouilotait, elle trouillotait la Rélie, bien décidée à ne pas céder à la tentation.
Et pis paf.
Un œil qui ripe. Le second.
Et voilà l'intitulé du courrier qui s'infiltre jusqu'à mon cerveau.
Ai rien pu faire.

"Camping Atlantica - Saint-Jean-de-Luz"

Voilà ce qu'il y avait d'écrit sur l'enveloppe.

"Camping Atlantica - Saint-Jean-de-Luz"

Au milieu des factures et autres courriers on ne peut plus important. Il était là, ce courrier sans aucun doute vital. Une réservation sans doute. La promesse d'un magnifique été. La promesse d'un emplacement bien choisi, pas trop loin mais pas trop près non plus des sanitaires. Avec des jeux pour les enfants. Une place pour la voiture à laquelle on touchera à peine, à part peut-être pour aller au marché nocturne du jeudi, une petite supérette pour acheter chaque matin sa baguette à 5 € et un Cornetto aux enfants, même juste avant l'heure du déjeuner. Ce courrier, posé là un 18 janvier, c'était la promesse de quelques belles soirées avec juste un pull sur les épaules, la promesse de quelques feux d'artifice, d'un bon paquet de saucisses-merguez, de salades, de verres de rosé à foison. La promesse de photos floues, de quelques couchers tardifs et de journées à rallonge, sans rythme.

Elle a continué de trouilloter la Rélie, elle a continué. Mais en regardant par la fenêtre de son bureau, ça n'est plus le ciel gris de l'hiver qu'elle voyait mais bien la piscine bleu lagon du camping Atlantica de Saint-Jean de Luz.

lundi 17 janvier 2011

Comment dire ? #4

Bonne année, vieille canaille.

- Bonne année.

- Ouais merci, bonne année à toi aussi.

- ça s'est bien passé pour toi les fêtes ?

- Ouais, comme chaque année. Trois heures de voyage. Les chants de Noël à fond dans la voiture. Le coffre qui dégueulait. J'avais la tête entre le vanity de madame et le kit de pêche de monsieur-qui-comme-chaque-année-ne-pêchera-pas. A peine de la place pour moi. J'ai pas le même standing que la pétasse à poils longs du quartier. Plaid sur le siège arrière du monospace pour mâdame. Et vas-y qu'on se déguise pour la réveillon. Cotillons autour du cou et chapeau sur la tête. Elle avait l'air humain. Ridicule. Et vas-y que je pavane aux pieds de mon maître. Elle tirait même pas sur sa laisse la crâneuse. Sûr qu'elle se laisse caresser par le facteur. Le serment des clébards, elle l'a oublié la cocotte. Bref, une chaleur à crever dans la bagnole, pour être sûr que les enfants attrapent pas froid. Et tant pis si moi, je surchauffe à 50 °C. J'ai les poils qui ont fondu. La truffe en mode guimauve. Les coussinets comme des chamalows. Et je te parle pas des soirées tout seul. Ras les poils. Le soir du 24, le soir du 31... Pas de ma faute si je perds mes poils...

- Pas même une gamelle améliorée ?

- A peine. J'ai eu 2-3 toasts tout secs le lendemain. Je les ai accepté parce que je voulais pas paraître chien mais bon, je suis pas une poubelle de table moi. Y a bien eu le papy qui me refilait 2-3 trucs sous la table au déj du 25. Mais t'as tôt fait de te faire piquer. Et hop, au panier la bête. Paraît que j'bave sur le carrelage. Faut dire, ils avaient pas mis les deux pieds dans le même sabot les bourriquets. Ils s'en sont mis plein la lampe.

- Moi pareil. J'en ai rêvé la nuit. Une tablée pleine de gamelles remplies de viandes, d'os à croquer, à mâchouiller, à enterrer. Et je te parle pas du buffet de croquettes en desserts. Aux légumes, au boeuf, au poulet. Des croquettes au foie gras. De toutes les formes ! J'en ai rêvé j'te dis.

- Ouais... L'année prochaine, je fuguerai peut-être quelques jours avant le départ. ça fera d'la peine aux gosses mais bon. Ceux-là, ils sont pas beaucoup mieux. Plus ingrats, y a pas. Je passe des heures à leur ramener une vieille balle en plastoc qu'ils prennent un malin plaisir à me balancer dans des endroits pas possible que j'me fais engueuler quand je m'efforce de la récupérer dans les parterres de fleurs de la maîtresse qui gueule parce qu'il paraît que j'abîme tout alors que moi je fais que aller chercher la balle des gosses. Et hop, 5-6 cadeaux déballés plus tard, y en n'a plus que pour les machines qui clignotent dans tous les sens. Aux oubliettes le bon vieux compagnon de jeu. L'année dernière, j'avais piqué le paquet de piles et je l'avais enterré dans le jardin. Z'ont eu l'air bien cons les affreux jojos.

- On n'a pas des vies faciles hein.

- Non. Fais pas bon être chien dans ce bas monde.

- Tu m'étonnes. Fais pas bon être chien. Chienne de vie, va.

jeudi 13 janvier 2011

Comment dire ? #3

Meilleure nouvelle année !

Les propositions s'amoncelaient sur le guéridon de l'entrée. Soirée cabaret, dîner sur une péniche, soirée folklorique dans une yourte, dîner chez machin, bidule, truc, déguisée pas déguisée, avec fruits de mer, sans fruits de mer, avec cotillons ou sans, avec foie gras toujours, avec champagne encore, la promesse de la bise à minuit - pourvu que l'on soit un chiffre pair. Les tentatives de séduction allaient bon train et chacun rivalisait de charme pour avoir ses faveurs. Cela donnait comme un sentiment d'écœurement avant l'heure. Le petit haut-le-cœur de l'huitre qui ne passe pas. Slurp.
Il y avait aussi cette petite phrase qui résonnait dans sa tête. Loin des invitations papier glacé ou des mails aguicheurs. "Passe le réveillon avec nous. La rue est plus chaude qu'on le pense." Elle avait vite refermée sa portière. Sa bonne conscience ne durait pas plus de quelques heures et elle rêvait déjà d'un bain chaud et des pré-soldes de son magasin préféré.

Un réveillon avec le Secours Catholique. Dans le froid, sans froufrou, sans chichi et sans blabla. La soupe chaude et le sourire. Fallait peut-être pas déconner quand même. Elle leur donnait déjà un soir par semaine. Mais celui du Réveillon... Et puis, ça n'est pas là qu'elle trouverait son Brad Pitt ni qu'elle étrennerait sa robe à paillettes impossible à porter les 364 autres jours de l'année. Elle pique en plus. Et puis, elle n'était pas Mère Thérésa non plus. Elle aussi avait le droit à ses moments de plaisir. Elle aussi pouvait avoir besoin de soutien. Les sans domiciles n'avaient pas le monopole de la déprime. Et puis, ça allait être l'orgie de vin chaud et de vieux souvenir ratatinés. Elle reviendrait avec un bourdon d'enfer. Et comment souhaiter une bonne année à ces personnes. Eux, là-bas, par terre et dans le froid. Bonne année ? N'était-ce pas indécent ?

Mais la soirée fut délicieuse. Les soupes étaient chaudes et les sourires étaient sincères. Peut-être parce que les embrassades étaient les seules de l'année. Ou parce que la perspective d'une nouvelle année, c'était un peu l'espoir que la vie change. D'autres refusaient, fuyaient en voyant arriver la camionnette, c'est vrai, mais quand même, ceux qui restaient avaient envie, vraiment envie que l'année soit bonne, la leur comme la vôtre.
Et il y avait cette femme. Les cheveux abîmés et les vêtements élimés. Mais Dieu que ses joues étaient douces. Ces deux bises pour souhaiter une bonne nouvelle année, une meilleure nouvelle année, n'étaient-elles pas les deux plus douces bises qu'elle avait jamais reçu ? Des joues douces comme celles d'un poupon.

mercredi 12 janvier 2011

Comment dire ? #2

Bonne année mon amour ! Veux-tu m'épouser ?

Chiche qu'il était cap !
"T'auras jamais le courage !" qu'il lui avait dit l'autre zozo.
"T'auras jamais les finances non plus !" qu'il avait surenchérit l'autre blaireau d'à côté.
Ah, ils allaient bien ensemble ces deux là. Deux piliers de bar sans qui le marché de l'alcool en France prendrait une sacrée claque.

De toutes façons, il allait arrêter de venir dans ce bar. ça sentait l'ivrogne, la vieille qui se poudre et les poils de chiens entassés sous les tabourets en skaï. Beurk. Et il ne parlait pas des verres qui, quoiqu'on y verse, sentaient la bière rance.

Chiche qu'il était cap !

Dans Google, il avait tapé "banderole avion" et il était tombé sur ce site qui proposait exactement ce qu'il lui fallait.
Bien sûr qu'il était cap.
Bien sûr, il avait dû rogner un peu sur ses budgets cadeaux.
Il n'y aurait pas de cadeaux cette année. Papy n'aura pas sa bouteille de whisky. Ni mamy sa bouteille d'eau de cologne au chèvrefeuille. Pas grave. Il ferait un dessin avec un petit mot qui leur arracherait une larme. Il parlera de la vieillesse, du temps qui passe, de la famille, de l'héritage et des racines, des souvenirs, de l'odeur de la cuisine et des parties de pêche. Des classiques qui feront passer la pilule.

Bien sûr, le passage à minuit au-dessus de la Tour Eiffel ne serait pas possible.
Bien sûr, imbécile !
Mais la veille, au-dessus du numéro 16 du lotissement des écureuils, pas de problème.
Pas à minuit par contre. 15 heures, ça lui allait ?
Pourvu qu'elle soit dans son jardin. Ou dans sa chambre. Pourvu que le store du velux ne soit pas bloqué. Ou qu'on ne lui propose pas une séance de baby-sitting. Pourvu.
"Qu'est-ce qu'on lui met sur sa banderole au monsieur ?"
"Bonne année mon amour ! Veux-tu m'épouser ?"
C'est trop long ?
C'est trop cher surtout.
"On lui enlève quoi sur sa banderole au monsieur ?"
"Bonne année ?" Ben non.
"Veux-tu m'épouser ?" Ben non.
"Qu'est-ce qu'on fait alors ? Non parce que moi, j'ai des fournisseurs qui attendent."
On n'a qu'à faire "BAMA VTM'EPOUSER ?"

Pourvu qu'elle soit là. Pourvu qu'elle lève les yeux, à 15 heures, vers le ciel au-dessus du numéro 16 du lotissement des écureuils. Pourvu qu'elle comprenne. Pourvu qu'elle pleure, qu'elle comprenne, qu'elle crie "oui", qu'elle comprenne vraiment, qu'elle l'appelle, qu'elle ne se trompe pas. Il aurait dû signer, vous croyez ? Pourvu qu'elle soit là. Il aurait dû signer. Il aurait dû. Peut-être. Mais c'était clair, non. "Mon Amour". Un amour, on n'en a qu'un, il avait pensé. Elle devrait comprendre, à 15h, au-dessus du numéro 16 du lotissement des écureuils.

mardi 11 janvier 2011

Comment dire ? #1

Bonne année ma vieille.

L'année avait été difficile.
Après tout, elle avait bien le droit de se lâcher un peu.
Elle avait bien le droit, non ?
On la connaissait à peine ici. Ou si peu. Le monde est petit, c'est vrai. Et tout ceci remontrait bien un jour aux oreilles de certains.
Mais tant pis.
L'année avait été difficile.
Et puis, elle rentrait dans cette vieille petite robe noire. Ce genre d'exploit, ça se fête. Et pas qu'un peu. Une vieille petite robe noire taille 38. Elle l'avait retrouvée au fond de son armoire. Tout au fond, là où elle n'allait plus. Tout au fond, avec les bougies, l'huile de massage et ces vieilles photos. Elle avait été contente de la retrouver, cette petite robe noire. Taille 38. Elle l'avait presque oublié. Comme ces photos.
ça aurait été mieux d'oublier. Mais enfin, elle l'avait retrouvée, la petite robe noire taille 38. Et elle rentrait dedans. Le zip avait poursuivi son ascension jusqu'à ce que la robe soit complètement scellée. Ziiip. De bas en haut. Pas de bruit suspicieux. Rien. Elle rentrait parfaitement dans ce bon vieux 38. Elle l'avait retrouvée. Au fond de l'armoire. Avec les photos.
Alors, elle enchaînait les verres. Pour fêter sa petite robe noire. La petite robe qu'elle aurait préféré oublier. Mais elle l'avait retrouvé. Avec les photos. Au fond de l'armoire. Avec d'autres vieilleries qu'elle avait aimé retrouver.
Alors, minuit sonna. Bonne année ! Bonne année petite robe noire. Trinquons ma vieille. Et jurons de ne plus jamais nous quitter. Histoire de ne plus jamais avoir à nous retrouver. Au fond de l'armoire. Avec les bougies, l'huile de massage et les vieilles photos.
Bonne année ma vieille.

lundi 10 janvier 2011

Comment dire ?

"Bonne année !" Le point d'exclamation... Classique. Efficace. Sobre. Mais classique.

"Boooonne annééééée !!!!" Il y a du cœur, de la foi presque, de la bonne humeur en tous cas. Mais ça sent un peu le câlin gênant de la fin de soirée arrosée. Voire le vomi...

"Bonnet de nez." Le jeu de mots. Pas possible. Pas possible du tout.

"Tous mes vœux." Tous. Je vous les donne tous, je brade, vas-y prends tout et casse-toi.

"Mes meilleurs vœux."
Sauf pour toi là-bas, je t'aime pas, je te refile mes vœux les plus vilains.

Quant aux tentatives d'originalité : "belle année", "douce année", blablabla...

Mais c'est pas possible, même quand le coeur y est, rien à faire, on échappe que difficilement aux formules routinières.

Comment dire alors ?

Mais oui, comment dire ?