mercredi 13 avril 2011

Le petit trait qui clignote

Je suis venue te dire que je m'en vais.
Les mots auraient pu être griffonnés sur un papier déchiré dans le coin d'un journal. Mais ils s'affichaient en lettres claires et régulières sur l'écran blanc.
Ces derniers temps, elle ne savait plus comment réagir face à ce petit trait noir, d'à peine un centimètre de haut, qui clignote inlassablement sur la page blanche devant elle. A lui tout seul, il ébranle tout son monde. Son rythme régulier la presse et l'angoisse. Elle sent qu'il faut répondre, arrêter le clignotement. Nourrir le petit trait de lettres et de mots, noircir la page.
Mais elle n'y peut rien. Elle reste abasourdie devant le petit trait qui clignote. C'est un peu comme si elle paniquait. Que veut-elle dire, comment le dire ? Elle ne sait plus bien. Il y a eu les décès et les naissances. Dans tous les cas, son cœur s'est retourné et n'a jamais vraiment retrouvé sa place. Elle ne dissocie plus bien le léger et le grave, ses mots sont lourds, jamais tout à fait dans le bon sens. Elle a perdu ses repères mais surtout, surtout, la légèreté si épanouissante des premiers temps. La plume se traîne. Et ça n'était vraiment pas ça, le but du jeu. Alors, elle préfère dire qu'elle s'en va. Elle sait qu'elle reviendra, parfois, de temps en temps. Elle sera seule, sans aucun doute. On ne l'aura pas attendu. Mais c'est peut-être ainsi, débarrassée de son angoisse, qu'elle retrouvera l'envie. En attendant, elle libère le petit trait qui clignote. Elle le laisse continuer, le fidèle petit métronome, à attendre que légèreté et gravité s'équilibrent un peu mieux.

mardi 5 avril 2011

Le premier jour du reste de la vie

Il est couché dans son petit lit en plastique transparent. Sa toute petite tête un peu tournée sur le côté. Les yeux fermés. Sa bouche est parfaitement dessinée. Ses cheveux, ses doigts, tout est fin. Il commence sa vie. Il s'appelle Eliott. Demain, il sera pompier ou champion du monde. Aujourd'hui, un tigre se dessine sur son pyjama et la peau de ses parents constitue le seul refuge valable.

Le petit bébé qu'il a été semble bien loin. Et pourtant, avec un peu de concentration, on peut aisément imaginer quel enfant il a dû être. Culottes courtes et grandes chaussettes. Aujourd'hui, la voix est grave et forte. Son discours est jalonné de ces mots qu'on n'emploie qu'à partir d'un certain âge : "au début de ma carrière", "pendant les 20 dernières années de ma carrière"... Transmettre à ses petits-enfants des valeurs qui lui semblent capitales et un peu branlantes dans ce monde qu'il juge déshumanisé est devenu sa priorité. Il est engagé, convaincu qu'à son âge, il a tout à donner et le devoir de le faire. Militant pour la sauvegarde du patrimoine, investi dans la lutte contre le cancer dont il est ressorti, comme son épouse, il apprend l'italien à raison d'une demi heure de cours chaque matin. Il glisse des mots latins dans ses phrases et se passionne pour la Renaissance. Il pense qu'à tout moment, il peut être "rappelé" et qu'à ce titre, il y doit y avoir dans sa vie plus de place pour l'échange que pour la bataille.

Qui sera Eliott demain ? Quel grand-père sera-t-il dans 60 ans ? Eliott a tout à faire. Une vie entière à créer. Une vie pour comprendre que l'échange vaut mieux que la bataille. Une vie pour se trouver. Qu'Eliott soit préservé, au même titre que les Robin, Loup, Valentin, Marius, Thibault, Clémence, Sixtine et autres merveilles qui nous entourent.

mardi 29 mars 2011

Chienne de vie


Depuis plusieurs mois, c'est le silence radio.
Pas une lettre, pas un signe, encore moins un coup de fil.
Pour faire la Une de Psychologies Magazine, là il y a quelqu'un. Là, il sait le trouver son téléphone, le bougre.
Ma chienne de chienne est elle aussi dans un état déplorable. Le goujat qui l'a sautée n'a toujours pas donné signe de vie. On l'a croisé au détour d'une rue dernièrement et j'ai bien peur qu'il n'ait même pas daigné lui décrocher un regard. Alors lui sentir le derrière, on en est bien loin...Paraîtrait qu'il aurait sauté la chienne des voisins... J'ai préféré garder l'information pour moi, j'en connais une qui ne s'en remettrait pas.
Je prévois prochainement une soirée pyjama avec ma chienne. Je lui ai dégoté des Haagen Dazs saveur croquette qui devraient lui redonner du poil de la bête.

lundi 28 mars 2011

La douceur après la fureur


Surveillons les airs. N'entendez-vous pas le bruit d'un hélicoptère ? Celui d'une moto ? La scène crache du feu de part et d'autre. Mais par où regarder ? Finalement, il fend la foule. Il est là, au milieu de ces fans charognards. Rongés par leur admiration, ils seraient prêts à le dévorer tout cru.
Tout est assumé. Le déhanché, la bague tête de mort, les mèches blondes, le cuir de la tête au pied. Il assume les pochettes d'album égocentrées, les aigles, les motos et les flammes.
Quoi sa gueule ?
Les choristes s'affolent en arrière plan, dans des mouvements synchronisés et enthousiasmants.
Les musiciens gardent les lunettes noires. Chacun son monde ; on n'invite pas n'importe qui dans sa transe.
Aujourd'hui, le bleu semble un peu délavé. A moins que cela ne soit parce que l'époque où un trait noir soulignait le regard est révolue. Nous n'irons pas jusqu'à dire que la sobriété est installée mais enfin, le trait noir a disparu, l'œil est moins apprêté.
Il garde ce côté je-m'en-foutiste rebelle qui fascine ou qui rebute. Qu'est-ce qu'elle a sa gueule ?
La batterie prend ses marques au fond de la scène. Dans quelques mesures, il va chanter l'amour et le rock'n roll. Il va tendre les mains vers l'avant, croiser les bras pour imager l'amour enchaîné, il va y aller, à grands renforts de clin d'œil et de sourires séducteurs. Dans quelques mesures, les franges vont vaciller au rythme des mélodies et défier le temps et la mode.

mercredi 23 mars 2011

Soyez insatiables. Soyez fous.

Parfois, il apparaît nettement inutile de chercher à écrire ce que d'autres ont déjà majestueusement bien dit. Avec ce postulat de départ, me direz-vous, on n'écrirait plus grand chose sur grand chose. Enfin, pour aujourd'hui, il me semble vraiment inutile de chercher à égaler le maître...
Voici donc quelques mots de Steve Jobs lors d'un discours à l'Université de Standford. Pour dire à quelques uns d'être insatiables et fous, d'avoir le courage de suivre leur cœur et leur intuition.

On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu’ils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe.

Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. Il faut savoir découvrir ce que l’on aime et qui l’on aime. Le travail occupe une grande partie de l’existence, et la seule manière d’être pleinement satisfait est d’apprécier ce que l’on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. C’est comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvé. Et toute relation réussie s’améliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusqu’à ce que vous trouviez.

« Si vous vivez chaque jour comme s’il était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.



L'intégralité du discours à visionner absolument : ici.

lundi 14 mars 2011

La petite et la grande

Les chiffres s'égrènent et il perd l'ordre des grandeurs. On a repêché 2 000 corps. L'effet de masse rend les contours un peu flous. 2 000 morts. Combien hier ? 2 000 + 2 500. Les images sont lointaines ou vues du ciel. Il distingue au loin des corps qui flottent. Certains désespérément accrochés à quelques arbres qui auront tenu le coup. Il ne ressent pas le besoin de tourner la tête. 2 000. C'est beaucoup 2 000 ? Combien d'habitants là-bas ? Dis donc, ça en fait des dégâts. Le journaliste enchaîne les titres. Elle a disparu. Depuis plusieurs jours, plus de nouvelles. Et puis, on l'a retrouvé morte. Cette fois-ci, la photo est cadrée serrée. Un gros plan sur la jeune femme. Son regard. Elle a l'air jeune. Il a envie de baisser les yeux. Il pense à ses parents. Avait-elle des enfants ? Une vie brisée. Il pense à elle. Au drame qu'elle a dû vivre. A-t-elle eu peur ? A qui va-t-elle manquer ? Combien de temps lui faudra-t-il pour l'oublier ?
2 000 corps repêchés. Emmenés par la vague. Elle a été retrouvée dans un bois précise le journaliste. Il pense à ces guerres pour lesquelles on a oublié le nombre de vies emmenées. Il cherche dans ses souvenirs. Il a dû voir à ça en cours d'histoire, au lycée. Plus de 200 000 morts à Hiroshima. 4 millions ? 5 millions pendant la Shoah ? Le souvenir est vague. N'y-a-t-il pas déjà eu une joggeuse tuée il y a quelques semaines ? Il ne sait plus bien.
La petite et la grande histoires s'emmêlent un peu et il ne sait plus s'il existe une échelle de valeur. Est-ce que c'est moins grave s'ils sont nombreux ? Non bien sûr. Mince, il doute. Il ne sait plus bien. Il ne peut pas enlever de sa tête les yeux bleus de cette jeune femme. Avait-elle un métier ? 2 000. Il ne pourra pas penser à chacune de ces 2 000 personnes. Impossible. 2 000. Cela fait combien de familles qui pleurent ? Le journaliste balance quelques derniers chiffres. 340 SDF morts en 2010. 428 jours de détention pour Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière. ça fait combien de jours une année ? Le journaliste termine son édition sur ce bébé hippopotame mort dans un zoo en Normandie.
Il est un peu perdu et préfère éteindre la télévision.

vendredi 11 mars 2011

Doute

Parfois, dans le doute, les mots s'emmêlent, les bonnes idées fuient. C'est le creux de la vague.
On rentre dans la cabine, alléché par la vitrine, mais devant le miroir, les cheveux paraissent ternes, le teint brumeux, la taille trop large, les cuisses trop rondes, le regard morne.
Dans le doute, plus aucun mot ne s'assemble. Comme s'ils se rejetaient mutuellement là, où par le passé - réalité ou vue de l'esprit -, ils s'harmonisaient sans trop de difficulté. On pouvait leur faire confiance. Ils s'agglutinaient avec aisance autour d'une idée qui germait dans un coin.
Mais dans le doute, ils s'annulent, s'enfuient, tournent en rond autour de l'idée avortée.
Alors, le doute prend toute la place. Incroyable comme le doute appelle le doute. Tout comme hier, l'idée appelait l'idée. Le cercle vertueux devient vicieux. Et le doute s'en régale.
Billet trop long, phrases alambiquées, formule qui fait pshiiit, emphase, humour manqué. Mère Relecture est sans pitié. Quand l'euphorie créative est retombée, le jugement est froid.
Ne jamais faire un cadeau pour le "merci" que l'on peut recevoir en retour. Jamais. Oui mais parfois, dans le doute, on aimerait quelques signes. Un compliment ou simplement, l'inspiration, la créativité, l'envie qui reviennent. Et surtout, surtout, que les idées et les mots cessent leur bataille et s'accordent à nouveau pour remplir quelques pages. ça plairait bien.
En attendant, on raconte le doute.

mercredi 9 mars 2011

Sophie et la pute moldave

Le décor : Justice, une contrée lointaine
Les personnages : Sophie et une pute moldave qui répond également au nom de Patronne
Le contexte : Pupute moldave est une méchante personne. Sophie en a marre des méchants.
L'histoire : petit tour dans les rêves de Sophie.
Chut, le rideau de fer se lève...


Aïe ! Mais ça tireeeeuuu ! Mais non ma petite, mais non.
Tu parles que ça tire.
Tu seras une petite pute moldave ma chérie.
Mais je veux pas être une pute moi.
Et puis, je suis pas moldave.
Ah si, ma chérie. Tu es moldave. C'est tout, c'est comme ça. C'est très beau la Moldavie.
La petite pute se tait devant le grand miroir du salon. On lui tire sur les cheveux. Tout doit être tiré vers le haut. Et tant pis si ça craque un peu au niveau des paupières. Tout doit être tiré vers le haut. Une jolie coiffure très naturelle.

La petite pute moldave est devenue grande. De cette coiffure ingrate, elle a gardé le style. Jamais elle ne prendrait le risque de laisser tomber l'élastique. Et si ses paupières la lâchaient, dégoulinaient avec médiocrité ? Si ses yeux retenus depuis tant d'années par cette coiffure au sommet, sautaient par dessus bord pour rouler silencieusement sur le sol, une fois le chouchou abandonné ?
Mais surtout, la petite pute a décidé d'aller plus loin. Et si elle cherchait la cohérence totale ? Pourquoi ne pas devenir une méchante pupute moldave ?
Le mal était fait. Pire, le mal était incarné. Pour être sûre de faire efficacement du mal, la pupute moldave allait décidé de devenir patron. Sous couvert d'une hiérarchie imméritée, elle pourrait assurément abuser de sa méchanceté et frapper bassement...

Aïe mais ça tire !
ça va faire un peu mal au début. Mais tu verras, ça ira mieux après.
La Grande Main rôde au-dessus de la tête de la méchante pupute moldave. L'ombre se rapproche. Naaaan, pas l'élastique !!! Sophie-la-grande-main se rapproche. Elle touche du bout des doigts le chouchou hideux. Naaaaan !!! Oh que si ! L'étau se resserre. Voici que la main broie sa proie comme une mâchoire aux crocs acérés. Du sang bordeaux coule des veines du chouchou. La main tire, tire, tire. La coiffure cède. Les cheveux, martyrisés depuis tant d'années, gardent la pose indemne. Surtout, ne pas bouger. Affronter le vent, le mouvement, tout affronter mais ne pas céder. Rester tendus vers le haut. Pour toujours, conserver la pose. Mais les paupières. Mais le front. Mais les yeux. Les pommettes, les joues. C'est le visage entier qui se liquéfie. Il dégouline. Il s'affaisse. Celui qui avait regardé de haut, pompeusement, pendant tant d'années, se trouve attiré par le sol, sans recours possible. Au loin, on entend Sophie-la-grande-main rire d'un rire diabolique et revanchard. Comme dans les dessins animés. Je t'ai bien eu, méchante pupute moldave !!!!! Niac niac niac !

Au petit matin, Sophie se réveille souriante. Le cœur léger de ce rêve où la vengeance avait ce si bon goût de justice. La main droite légèrement engourdie, Sophie prend son petit-déjeuner et file au travail, le cœur plein d'espoir...

mardi 8 mars 2011

Comment seras-tu mon fils ?

Cow-boy des temps modernes, cavaleras-tu pour faire régner l'ordre ?
Héros assoiffé de justice, voleras-tu au secours des plus faibles ?
Préfèreras-tu passer ton chemin, œuvrer autrement ou laisser filer le train ?
Seras-tu créatif, passionné, discret ? Seras-tu loin, très loin, très très loin de moi ? Et de toi ? Seras-tu fidèle ou inconstant ?
Mon fils, seras-tu de ces hommes allergiques aux caddies, aux éponges, aux biberons, aux casseroles ? Seras-tu de ces hommes tremblant devant les piqûres et les engagements ? Fiers devant les créneaux, les marteaux et les panneaux ? Seras-tu moderne, seras-tu comme plein d'autres, seras-tu unique ?
Mon fils, seras-tu cet homme heureux d'être un peu femme ? Heureux d'être un peu enfant ? Impatient d'être nouveau et différent, impatient de te trouver et impatient de changer.
Un homme qui appelle pour la fête des mères, qui cherche une femme qui ne ressemble à aucune autre, qui admire son père ? Un homme qui veut créer plein de nouveaux humains ? Seras-tu de ces hommes qui passent en coup de vent, qui écrivent des poèmes, qui ne comptent que sur eux-mêmes ou qui ne vont bien qu'avec les autres ?
Mon fils, qui seras-tu ? Qui commences-tu à être ? Comment iras-tu ? Quand ? Iras-tu bien tout le temps ou souvent ?
Riras-tu devant la journée de la femme ? Y participeras-tu ? Militeras-tu pour qu'elle disparaisse ? Pour quelles raisons le feras-tu ?
Qui seras-tu mon fils ? Un homme parmi les hommes ? Un Homme avant tout, mon fils, et si tu étais déjà, un Homme avant tout ?

lundi 28 février 2011

Changer, devenir puis être. Puis changer à nouveau.

Que l'on vous vire un gros coup de pied au derrière, que vous partiez de votre propre chef vivre de nouvelles aventures, que l'on vous somme en toute diplomatie d'aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte, que les années de cotisation se soient amoncelées jusqu'à ce que l'heure de la retraite ait sonnée, quelles que soient les circonstances, quitter sa boîte fait partie des événements forts de la vie. On n'est pas obligé de sombrer dans la nostalgie aveuglée ni de baiser le carrelage en partant ni de remplacer son code PIN par le code de l'alarme ni d'essayer de coopter la femme de ménage. On peut aussi être content de partir sans pour autant piller le stock de timbres, véroler les ordinateurs, lancer une rumeur et laisser exprès un œuf pourrir au fond du frigo (juste après avoir pourri sa boîte sur notetonentreprise)
On a quand même toujours un petit pincement au cœur quand on quitte son ordinateur, son bureau, son poste, ses collègues. On va changer de route ou de métro pour aller travailler, on va changer sa formule pour décrocher le téléphone, changer de mot de passe pour débuter la journée, changer de têtes au quotidien. On va changer de cantine le midi, changer de pharmacie pour les ravitaillements express en aspirine, changer d'esthéticienne pour les épilations express avant le week-end, changer de couturière pour les retouches express des pantalons trop long, changer de kiné pour les réparations express du dos. Tout ça, ça fait plein de petits changements qui, au final, font un sacré gros changement.
Mais le changement a du bon. Tant qu'il ne prend pas la forme d'une pétasse vachement belle sur lesquels vos collègues baveront, hyper gentille que vos collègues inviteront au prochain barbecue où vous ne serez pas, tellement compétente que vos collègues se souviendront de vous comme d'une stagiaire. Le changement a du bon mais on n'est pas obligé de l'aimer tout de suite. On a le droit de le prendre en pleine face le changement, de le laisser nous bouffer un peu le foie quelques temps et nous voler quelques heures de sommeil. Faut juste que la gifle qu'il nous balance nous remette la tête dans le bon axe, celui de l'avenir. Pour ne pas rester les yeux lamentablement tournés vers le passé. Pour avancer positivement et se recréer un nouveau quotidien. Jusqu'au prochain changement. Qui sait, dans la nouvelle rue d'à côté, il y aura peut-être une super boulangère qui proposera des épilations avec le sucre de ses palmiers, qui aura des dons de couturière, et dont le mari, à force de pétrir son pain, saura mieux vous remettre le dos en place que n'importe qui et dont la farine exclusive soignera les maux de tête.

jeudi 24 février 2011

Trois p'tits minous


Trois p’tits minous, p’tits minous, p’tits minous
Qui avaient perdu leurs mitaines
S’en vont chercher leur mère.
« Maman, nous avons perdu nos mitaines. »
« Perdu vos mitaines ? Vilains petits minous, vous n’aurez pas de crème. »


Quand je chante cette comptine avec mon petit garçon et qu'il me regarde avec ses grands yeux plein d'émerveillement, je me sens une maman comblée. De celles qui font de la pâte à sel et des cookies le mercredi après-midi, après avoir emmenés les enfants des voisins faire un tour de manège et offrir de vieux jouets à l'association des enfants pauvres de Calcutta.

Mais au travail, fredonner "trois p'tits minous, p'tits minous, p'tits minous" sonne de façon bien différente.
J'ai l'impression de chanter une chanson paillarde.
Je me sens une vieille maman frustrée.
Ou une jeune maman nympho.
Dans 5 minutes, mes collègues m'appellent Colette Renard.
Ou Régine.
Ou Brigitte Lahaie.
Ou Loana.

mercredi 23 février 2011

Pour une politique de rigueur

Figurez-vous.

Ce qui s'appelle la "rigueur" (climatique en l'occurrence) est prise en compte dans le calcul des consommations d'énergie. On peut avoir consommé davantage de chauffage tout simplement parce qu'il a fait plus froid. En appliquant aux consommations un indice de rigueur gentiment fourni par Laurent Cabrol (ou par Météo France quand Lolo n'a pas le temps), on parvient à comparer ce qui est comparable et à voir si, à rigueur climatique égale, nos consommations de chauffage augmentent ou pas.

Mais non, c'est pas chiant, restez.

Je suis pour le concept de rigueur.
Je souhaite que ce principe d'indice de rigueur soit dupliqué dans d'autres sphères.
Je vote pour la rigueur, qui l'aurait cru.

- Non, chéri, je ne suis pas chiante. Si tu appliques à mon humeur l'indice de rigueur menstruationnique, tu observeras qu'en réalité je suis d'humeur égale.

- Non, Monsieur le client, notre prestation n'est pas plus chère qu'avant. Si vous appliquez l'indice de rigueur chiantique de votre dossier, vous observerez que nous sommes à prix égal.

- Non, Madame l'esthéticienne, je n'ai pas plus de rides qu'avant. Si vous appliquez l'indice de rigueur vieillissementique croisé avec l'indice de rigueur problématique croisé avec l'indice de rigueur pollutionique, vous observerez pétasse qu'en réalité, je n'ai pas du tout plus de rides.

- Non, Rélie, non, tu n'as pas consommé plus de Nutella que d'habitude. Applique l'indice de rigueur émotionnique de ces derniers mois et observe... ça vaut bien quelques cuillères de Nutella en plus...

mardi 22 février 2011

Il n'y a pas que Marc dans la vie

Bonjour Monsieur.
Non, non, ne me fermez pas la porte au nez.
Je ne viens pas vous vendre une inutilité de plus.
Pas non plus un quelconque programme politique.
Ni religieux.
Je vous en prie écoutez-moi.
Il a des mains en or.
Non, je ne les ai jamais vues. Enfin, jamais en vrai. Mais elles sont en or, je peux vous le garantir.
Il a le regard droit et un peu malicieux. Enfin, moi je trouve.
Il est carré et on le sent solide et fiable.
Engagé, je dirai qu'il est engagé.
Et il a un don. Un vrai don qu'il travaille ardemment.
On a envie d'être son ami. On a aussi un peu envie de lui faire un petit câlin. C'est parce qu'il a l'air rassurant. Carré, solide et fiable, je vous dis.
Et il aime rire, ça se voit. Il y a dans sa façon d'être quelque chose d'ouvert et de généreux. Il ne fait pas ce métier par hasard.
Il dégage quelque chose. A la Antonio Banderas. Mais local, le Antonio. Du terroir, le Antonio. Il a un petit côté mafieux aussi, qui laisse juste penser qu'il a le sens de la famille et de l'amitié.
Non, je ne suis pas amoureuse. Je l'aime bien c'est tout.
Non, je ne touche aucune commission. Je l'aime bien je vous dis.
Il a ce quelque chose qui me chamboule. J'aime la sérénité honnête qu'il dégage. Je sens qu'il ne triche pas.
Bon ok, je suis peut-être un tout petit peu amoureuse.
Je crois que je ne me remettrai jamais vraiment qu'il n'ait pas gagné l'année dernière. Je suis à deux doigts de lancer un mouvement pour dénoncer l'injustice et réhabiliter le meilleur de tous. Oui, je suis relativement engagée comme fille. J'ai le sens des valeurs. Il y a des choses avec lesquelles on ne rigole pas.
Une statue dans ma chambre, ça ferait trop ? Dans le salon ? Dans mon bureau ? Un autocollant au cul de la bagnole ? Un pin's ? En fond d'écran ? Un tatouage ? Un tapis de souris ?
Marc, si tu lis ce billet, ne m'en veux pas.

lundi 21 février 2011

Les ventres impatients

Elles sont quelques unes, leur gros ventre posé sur les cuisses, pesant sur leur dos et leurs hanches. En quittant dernièrement leur travail pour quelques mois, les voilà engagées dans un espace hors du temps. Les heures s'écoulent différemment. Vos rendez-vous sont ceux des repas. Essentiellement. Les repas. Ne jamais manquer un repas. Veiller au sucre, aux graisses, au fromage frais, au produits crus. Mais quand même, s'empiffrer un peu.
Le ballon qui pointe vers l'avant a des petites bosses ici et là. La peau est tendue et impatiente. La journée s'égrène au rythme de ces petits coups qui rassurent.
Au bout de leurs yeux, il y a leur nombril. Toutes concentrées qu'elles sont vers l'épicentre de leur vie. Toutes tendues vers l'espoir de voir bientôt qui se cache au-delà de la frontière.
Le pas est un peu lourd. Sous leurs yeux, on peut voir quelques signes de quelques nuits déjà un peu chahutées. Mais leurs lèvres résistent et prennent le contresens ; rien à faire, celles-ci tirent vers le haut. Impossible de ne pas sourire quand on sait quel miracle on attend.
Elles sont quelques unes, leur gros ventre posé sur les cuisses, avide de caresses et de paroles chuchotées en toute discrétion. Comme ça, en secret, elles osent prononcer le prénom dissimulé.
Elles sont quelques unes, impatientes, libérées pour quelques semaines de ce qui fait d'habitude leur vie. Elles rentrent dans leur cocon, elles nidifient comme on dit. Elles cogitent, elles attendent, elles souffrent un peu mais surtout, elles rêvent. Elles ont devant elles de bien jolies choses à vivre et dont elles ne cessent de fantasmer les détails. Que doit-on demander à notre sablier ? Que le temps passe vite un peu, mais qu'il s'arrête après. Parce que ce qui tend ces ventres impatients aura besoin bientôt de toute l'attention du monde.

lundi 14 février 2011

L'Occitane, la Provence et mes ridules


Je l'ai lu dans vos yeux ce matin. J'ai entendu les murmures ébahis dans mon dos.
Non, non, non, vous n'avez pas rêvé. Ma peau est éclatante. J'ai le teint reposé, frais. Ne dirait-on pas une jeune fille en fleurs - en fleurs hein, pas en bourgeons.
Mais comment ce miracle a-t-il pu avoir lieu ? Mais oui, comment ?
Mais grâce à votre cadeau, petites fées du bonheur.
En me confiant aux bons soins de l'Occitane, vous avez ressuscité ma peau ternie par des années de labeur au fond des mines de charbon, tannée par le soleil écrasant des champs de coton qui m'ont volé mes plus années d'adolescence. Je ne vous parle pas de ces années passées à cirer les chaussures des businessmen de Broadway. J'en ai encore les bouts des doigts tout élimés...

A l'Occitane, les murs sont couleurs terre de Sienne. Il y a de la lavande et de la musique douce. La serviette sur votre dos est chaude et moelleuse et douce et gentille. La dame qui connaît la composition de touuuuus les produits de la gamme est aimable et polie et douce mais pas chaude et moelleuse, enfin je ne crois pas. Pas testé.
Là-bas, à l'Occitane, il y a de la musique douce et des rideaux tirés sur la grisaille du dehors. Il y a des papillons qui volent et déposent de doux baisers sur votre front doux comme une peau de pêche grâce aux fabuleux élixirs fabriqués à Manosque-100-% français-à-base-de-produits-naturels - "achetez mes produits messieurs dames aaachetez mes produits !"

En sortant de l'Occitane, le ciel est encore gris mais c'est pas grave, vous filez vous renseigner sur le prix des maisons en Provence. Comme c'est cher, vous filez voir le prix des vacances en Provence. Comme c'est cher, vous filez voir les produits de l'Occitane. Comme c'est cher, vous finissez à la boutique de souvenirs et achetez un tablier couleur lavande et des sets de table avec la recette du pistou.
En sortant de l'Occitane, votre peau est régénérée. Par contre, la pouf qui vous a massé est morte parce que vous l'avez butée juste après qu'elle ait parlé de vos ridules au coin des yeux. Pétasse.
En sortant de l'Occitane, vous trouvez qu'ils sont cools quand même vos collègues de vous avoir offert un si joli cadeau. Vous faites un rapide calcul : neuf mois de grossesse, accouchement, post-accouchement, biberons la nuit, couches / soin à l'Occitane. Hum hum. Si, définitivement, ça valait le coup. Parce que c'est génial d'être maman et encore plus d'être une maman qui se fait faire un soin à l'Occitane. Merci !

jeudi 10 février 2011

Haut les coeurs


"La vie est à monter et non pas à descendre ! Il est préférable de rencontrer la mort en faisant trois pas en avant, que de vivre un siècle en faisant un seul pas en arrière."

Hélie de Saint Marc

lundi 7 février 2011

Vos paupières sont lourdes et vos narines sont mortes

Votre lit est une immense tartine.
Votre couette est une épaisse couche de Nutella.
Si le Nutella vous dérange, pensez à de la confiture, à du beurre (à du pâté). Vous êtes libre de choisir ce qui vous plaît.
Vos paupières sont mi-closes.
Vous êtes bien.
Votre lit, comme une tranche régulière de brioche fondante, est tout juste chaud.
Vous sentez les battements de votre cœur ralentir.
Vous êtes bien.
Vous sentez l'odeur du lait chaud. Ou du café, ou du thé.
L'ambiance est sucrée et moelleuse.
Vous êtes bien.
Vous croquez dans votre tartine. Votre petit-déjeuner est savoureux. Vous replongez la tête dans votre oreiller. Encore faim ? On vous ramène quelques viennoiseries.
Vous êtes bien.
Et quand le rêve prend fin, on rêve d'un petit déjeuner gargantuesque voire bisounouresque. On s'imagine que derrière la porte du réfrigérateur, on pourra faire comme la dame de la pub qui rentre dedans et se promène dans un monde de glaces avec plein de parfums sans avoir froid alors qu'elle est quand même en robe légère dans un frigo mais c'est pas grave elle peut faire des boules de glace hyper méga rondes de tous les parfums du monde. On s'imagine ça mais avec des arbres en pains au chocolat, des canapés en croissants, des rivières de chocolat chaud, des fontaines de confiture de fraise, des bains à remous de Chocapic, des petits pots de beurre, avec une prison pour les capitons et les pèse-personnes.
Sauf que dans la réalité, lorsque on ouvre la porte de son frigo, ça pue le camembert. Quand c'est pas les restes de saumon de la veille. Et ça donne envie de vomir. Et de se recoucher. De se recoucher en vomissant.

mercredi 2 février 2011

Bas les pattes !

Walter Giordani

L'amour est un sentiment noble et précieux et magnifique et honorable. Le sexe en est la sublimation magique et transcendante et belle et voilà. Quand deux corps se trouvent et s'unissent. La peau de l'autre, son odeur, ses caresses. De la pulsion animale à la tendresse émouvante. La réalisation, la mise en musique, la danse d'un sentiment ineffable. Et ce qui en résulte : une naissance, celle d'un enfant, d'une jouissance, d'un manque...
Mais ce matin, dans l'herbe encore imbibée de rosée. Dans ce drap tendu par le brouillard impénétrable, ma chienne de chienne n'avait rien d'impénétrable. Je l'ai vu se faire traîner en long en large et en travers, collée que ma belle était au cul de cet autre chien qui a pensé que fourrer son sexe dans ma jolie princesse était une façon comme une autre de commencer un mercredi 02 février. Collés-bloqués qu'ils étaient les deux mammifères. Et à moins que l'amour canin ne s'exprime dans des gémissements qui semblent plus douloureux qu'heureux, je suis au regret de devoir annoncer que ma fifille a dérouillé lors de ce que je dois me résigner à appeler un dépucelage en bonne et due forme par un Rocco tellement gonflé qu'il en était coincé.
Cette triste vision matinale me laisse perplexe quant à tout ce qui touche de près ou de loin à l'amour et au sexe. J'envisage de rentrer momentanément dans les Ordres. Ou d'y faire rentrer ma chienne de chienne.

mardi 1 février 2011

Comment dire ? # la fin

Rappelle-moi ton nom ? Mouais. Je me souviens vaguement de toi. On a bossé ensemble, c'est ça ? L'année dernière. Oui, oui, je m'en souviens... Et bien écoute : Bonne Année ! Ah nan, vraiment, c'est sincère. Bonne année. Que du bonheur, la santé... Ah bah oui, c'est important la santé. Sans la santé... hein, comme on dit... Que tu te réalises personnellement et professionnellement. L'équilibre, tout ça, tout ça. L'épanouissement. Nan vraiment, bonne année. A toi et tes proches. En espérant qu'on se voit plus souvent. ça serait sympa de se voir plus souvent, non ? Allez, on trinque ! A nos collaborations futures ! A la vie ! A l'amour ! Allez, santé ! Et encore une fois : bonne année !!! Pouet pouet.

Voilà, c'est bon, c'est fini.
1er février.
On n'a plus d'obligation.
On n'est plus malpoli si on ne souhaite plus une bonne année !
Parce qu'il m'arrive de m'interroger sur la sincérité de certains des vœux que j'ai pu recevoir...

mercredi 26 janvier 2011

Pourquoi pas ?

"Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont en se demandant pourquoi. Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être en se disant pourquoi pas."

Il y a les moments sûrs de chez sûr, qui ne laissent aucune place au doute, qui s'affichent en lettres capitales. Dans ces moments-là, on sent bien que l'on est sur le haut de la vague. Rien ne nous résiste. Flui-di-té.

Il y a les moments moins certains. Ai-je vraiment envie de ce pain au chocolat ? Est-ce vraiment moi ce reflet dans le miroir ? Ai-je toujours voulu cette vie ? Il ne m'aurait pas regardé de travers l'autre tordu dans la rue ?

Dans le ping-pong des "pourquoi" et "pourquoi pas", il y a des jours qui s'achèvent sur le "pourquoi pas" et ceux qui laissent venir la nuit sur le "pourquoi".

lundi 24 janvier 2011

Signe ostentatoire inutile. A mon goût.

Elle brillait et scintillait. ça m'aurait presque dérangée.
Je trouve cela un peu honteux tout de même.
Selon l'inclinaison de la main, selon les gestes, selon l'éclairage, j'en prenais plein la vue. Signe ostentatoire dont tout le monde se serait bien passé. Nous aurions même préféré la légère marque laissée par le temps, les kilos ou le soleil. Quelque chose de plus discret que l'on peut faire semblant de ne pas avoir vu.
Mais là, aucune place au doute. Le signe classique et officiel.
J'en aurais fermé les yeux. Ou opté pour les lunettes de soleil. Pour ne pas risquer l'aveuglement, pour ne pas être marquée à vie par cet affront.
J'ai cligné des yeux, espérant par là que l'hallucination cesserait. Je me les suis frottée, espérant me réveiller, sortir de cet affreux cauchemar.
Mais rien. Elle était là, accrochée comme une moule à son rocher. Bien décidée à braver le temps qui passe.
Je trouve tout ça un peu déplacé. Vous n'iriez pas rencontrer le Pape en sous-vêtements. Et bien là, pareil. Mauvaise adéquation. ça n'était pas le lieu, pas le moment de l'afficher ainsi.
Je trouve tout ça un peu fort de café. Il devrait y avoir des règles. Des règles très strictes.
Marc Lavoine ne devrait pas avoir le droit de porter son alliance pendant ses concerts.
ça me gêne.

mercredi 19 janvier 2011

Le camping Atlantica

Ce matin - un lapin - alors que je trouillotais (je trouillote, tu trouillotes, il trouillote, nous trouillotons, vous trouillotez, ils trouillotent) - je tiens à préciser, par pure vantardise déplacée, que mon job ne consiste pas à trouilloter des dossiers, enfin pas que. Ce matin, alors que je trouillotais, la petite coquine était là. Posée délicatement dans la bannette à courrier. Son intitulé m'interpellait. Il criait mon nom, hurlait pour que mes yeux se posent sur lui. Comme je suis une fille bien élevée, j'ai continué de trouilloter sans y prêter attention. Sauf qu'il y a un couillon vicelard de petit diable qui est venu se poser sur mon épaule droite. "Vas-y Rélie, lis l'adresse sur le courrier. ça ne craint rien." Séduisant, le petit diable. Mais un petit ange bien sous tous rapports, un brin rabat joie, a ramené sa pomme sur mon épaule gauche. "Non, Rélie, un courrier c'est personnel et confidentiel. Continue de trouilloter. N'écoute pas ce méchant petit diable." "Tu t'en fous ! a surenchérit le petit diable. S'il est posé là, ce courrier, aux yeux de tous, c'est qu'il n'a rien de confidentiel ! Allez, juste un petit coup d'oeil, c'est pas la mort !"
Elle trouilotait, elle trouillotait la Rélie, bien décidée à ne pas céder à la tentation.
Et pis paf.
Un œil qui ripe. Le second.
Et voilà l'intitulé du courrier qui s'infiltre jusqu'à mon cerveau.
Ai rien pu faire.

"Camping Atlantica - Saint-Jean-de-Luz"

Voilà ce qu'il y avait d'écrit sur l'enveloppe.

"Camping Atlantica - Saint-Jean-de-Luz"

Au milieu des factures et autres courriers on ne peut plus important. Il était là, ce courrier sans aucun doute vital. Une réservation sans doute. La promesse d'un magnifique été. La promesse d'un emplacement bien choisi, pas trop loin mais pas trop près non plus des sanitaires. Avec des jeux pour les enfants. Une place pour la voiture à laquelle on touchera à peine, à part peut-être pour aller au marché nocturne du jeudi, une petite supérette pour acheter chaque matin sa baguette à 5 € et un Cornetto aux enfants, même juste avant l'heure du déjeuner. Ce courrier, posé là un 18 janvier, c'était la promesse de quelques belles soirées avec juste un pull sur les épaules, la promesse de quelques feux d'artifice, d'un bon paquet de saucisses-merguez, de salades, de verres de rosé à foison. La promesse de photos floues, de quelques couchers tardifs et de journées à rallonge, sans rythme.

Elle a continué de trouilloter la Rélie, elle a continué. Mais en regardant par la fenêtre de son bureau, ça n'est plus le ciel gris de l'hiver qu'elle voyait mais bien la piscine bleu lagon du camping Atlantica de Saint-Jean de Luz.

lundi 17 janvier 2011

Comment dire ? #4

Bonne année, vieille canaille.

- Bonne année.

- Ouais merci, bonne année à toi aussi.

- ça s'est bien passé pour toi les fêtes ?

- Ouais, comme chaque année. Trois heures de voyage. Les chants de Noël à fond dans la voiture. Le coffre qui dégueulait. J'avais la tête entre le vanity de madame et le kit de pêche de monsieur-qui-comme-chaque-année-ne-pêchera-pas. A peine de la place pour moi. J'ai pas le même standing que la pétasse à poils longs du quartier. Plaid sur le siège arrière du monospace pour mâdame. Et vas-y qu'on se déguise pour la réveillon. Cotillons autour du cou et chapeau sur la tête. Elle avait l'air humain. Ridicule. Et vas-y que je pavane aux pieds de mon maître. Elle tirait même pas sur sa laisse la crâneuse. Sûr qu'elle se laisse caresser par le facteur. Le serment des clébards, elle l'a oublié la cocotte. Bref, une chaleur à crever dans la bagnole, pour être sûr que les enfants attrapent pas froid. Et tant pis si moi, je surchauffe à 50 °C. J'ai les poils qui ont fondu. La truffe en mode guimauve. Les coussinets comme des chamalows. Et je te parle pas des soirées tout seul. Ras les poils. Le soir du 24, le soir du 31... Pas de ma faute si je perds mes poils...

- Pas même une gamelle améliorée ?

- A peine. J'ai eu 2-3 toasts tout secs le lendemain. Je les ai accepté parce que je voulais pas paraître chien mais bon, je suis pas une poubelle de table moi. Y a bien eu le papy qui me refilait 2-3 trucs sous la table au déj du 25. Mais t'as tôt fait de te faire piquer. Et hop, au panier la bête. Paraît que j'bave sur le carrelage. Faut dire, ils avaient pas mis les deux pieds dans le même sabot les bourriquets. Ils s'en sont mis plein la lampe.

- Moi pareil. J'en ai rêvé la nuit. Une tablée pleine de gamelles remplies de viandes, d'os à croquer, à mâchouiller, à enterrer. Et je te parle pas du buffet de croquettes en desserts. Aux légumes, au boeuf, au poulet. Des croquettes au foie gras. De toutes les formes ! J'en ai rêvé j'te dis.

- Ouais... L'année prochaine, je fuguerai peut-être quelques jours avant le départ. ça fera d'la peine aux gosses mais bon. Ceux-là, ils sont pas beaucoup mieux. Plus ingrats, y a pas. Je passe des heures à leur ramener une vieille balle en plastoc qu'ils prennent un malin plaisir à me balancer dans des endroits pas possible que j'me fais engueuler quand je m'efforce de la récupérer dans les parterres de fleurs de la maîtresse qui gueule parce qu'il paraît que j'abîme tout alors que moi je fais que aller chercher la balle des gosses. Et hop, 5-6 cadeaux déballés plus tard, y en n'a plus que pour les machines qui clignotent dans tous les sens. Aux oubliettes le bon vieux compagnon de jeu. L'année dernière, j'avais piqué le paquet de piles et je l'avais enterré dans le jardin. Z'ont eu l'air bien cons les affreux jojos.

- On n'a pas des vies faciles hein.

- Non. Fais pas bon être chien dans ce bas monde.

- Tu m'étonnes. Fais pas bon être chien. Chienne de vie, va.

jeudi 13 janvier 2011

Comment dire ? #3

Meilleure nouvelle année !

Les propositions s'amoncelaient sur le guéridon de l'entrée. Soirée cabaret, dîner sur une péniche, soirée folklorique dans une yourte, dîner chez machin, bidule, truc, déguisée pas déguisée, avec fruits de mer, sans fruits de mer, avec cotillons ou sans, avec foie gras toujours, avec champagne encore, la promesse de la bise à minuit - pourvu que l'on soit un chiffre pair. Les tentatives de séduction allaient bon train et chacun rivalisait de charme pour avoir ses faveurs. Cela donnait comme un sentiment d'écœurement avant l'heure. Le petit haut-le-cœur de l'huitre qui ne passe pas. Slurp.
Il y avait aussi cette petite phrase qui résonnait dans sa tête. Loin des invitations papier glacé ou des mails aguicheurs. "Passe le réveillon avec nous. La rue est plus chaude qu'on le pense." Elle avait vite refermée sa portière. Sa bonne conscience ne durait pas plus de quelques heures et elle rêvait déjà d'un bain chaud et des pré-soldes de son magasin préféré.

Un réveillon avec le Secours Catholique. Dans le froid, sans froufrou, sans chichi et sans blabla. La soupe chaude et le sourire. Fallait peut-être pas déconner quand même. Elle leur donnait déjà un soir par semaine. Mais celui du Réveillon... Et puis, ça n'est pas là qu'elle trouverait son Brad Pitt ni qu'elle étrennerait sa robe à paillettes impossible à porter les 364 autres jours de l'année. Elle pique en plus. Et puis, elle n'était pas Mère Thérésa non plus. Elle aussi avait le droit à ses moments de plaisir. Elle aussi pouvait avoir besoin de soutien. Les sans domiciles n'avaient pas le monopole de la déprime. Et puis, ça allait être l'orgie de vin chaud et de vieux souvenir ratatinés. Elle reviendrait avec un bourdon d'enfer. Et comment souhaiter une bonne année à ces personnes. Eux, là-bas, par terre et dans le froid. Bonne année ? N'était-ce pas indécent ?

Mais la soirée fut délicieuse. Les soupes étaient chaudes et les sourires étaient sincères. Peut-être parce que les embrassades étaient les seules de l'année. Ou parce que la perspective d'une nouvelle année, c'était un peu l'espoir que la vie change. D'autres refusaient, fuyaient en voyant arriver la camionnette, c'est vrai, mais quand même, ceux qui restaient avaient envie, vraiment envie que l'année soit bonne, la leur comme la vôtre.
Et il y avait cette femme. Les cheveux abîmés et les vêtements élimés. Mais Dieu que ses joues étaient douces. Ces deux bises pour souhaiter une bonne nouvelle année, une meilleure nouvelle année, n'étaient-elles pas les deux plus douces bises qu'elle avait jamais reçu ? Des joues douces comme celles d'un poupon.

mercredi 12 janvier 2011

Comment dire ? #2

Bonne année mon amour ! Veux-tu m'épouser ?

Chiche qu'il était cap !
"T'auras jamais le courage !" qu'il lui avait dit l'autre zozo.
"T'auras jamais les finances non plus !" qu'il avait surenchérit l'autre blaireau d'à côté.
Ah, ils allaient bien ensemble ces deux là. Deux piliers de bar sans qui le marché de l'alcool en France prendrait une sacrée claque.

De toutes façons, il allait arrêter de venir dans ce bar. ça sentait l'ivrogne, la vieille qui se poudre et les poils de chiens entassés sous les tabourets en skaï. Beurk. Et il ne parlait pas des verres qui, quoiqu'on y verse, sentaient la bière rance.

Chiche qu'il était cap !

Dans Google, il avait tapé "banderole avion" et il était tombé sur ce site qui proposait exactement ce qu'il lui fallait.
Bien sûr qu'il était cap.
Bien sûr, il avait dû rogner un peu sur ses budgets cadeaux.
Il n'y aurait pas de cadeaux cette année. Papy n'aura pas sa bouteille de whisky. Ni mamy sa bouteille d'eau de cologne au chèvrefeuille. Pas grave. Il ferait un dessin avec un petit mot qui leur arracherait une larme. Il parlera de la vieillesse, du temps qui passe, de la famille, de l'héritage et des racines, des souvenirs, de l'odeur de la cuisine et des parties de pêche. Des classiques qui feront passer la pilule.

Bien sûr, le passage à minuit au-dessus de la Tour Eiffel ne serait pas possible.
Bien sûr, imbécile !
Mais la veille, au-dessus du numéro 16 du lotissement des écureuils, pas de problème.
Pas à minuit par contre. 15 heures, ça lui allait ?
Pourvu qu'elle soit dans son jardin. Ou dans sa chambre. Pourvu que le store du velux ne soit pas bloqué. Ou qu'on ne lui propose pas une séance de baby-sitting. Pourvu.
"Qu'est-ce qu'on lui met sur sa banderole au monsieur ?"
"Bonne année mon amour ! Veux-tu m'épouser ?"
C'est trop long ?
C'est trop cher surtout.
"On lui enlève quoi sur sa banderole au monsieur ?"
"Bonne année ?" Ben non.
"Veux-tu m'épouser ?" Ben non.
"Qu'est-ce qu'on fait alors ? Non parce que moi, j'ai des fournisseurs qui attendent."
On n'a qu'à faire "BAMA VTM'EPOUSER ?"

Pourvu qu'elle soit là. Pourvu qu'elle lève les yeux, à 15 heures, vers le ciel au-dessus du numéro 16 du lotissement des écureuils. Pourvu qu'elle comprenne. Pourvu qu'elle pleure, qu'elle comprenne, qu'elle crie "oui", qu'elle comprenne vraiment, qu'elle l'appelle, qu'elle ne se trompe pas. Il aurait dû signer, vous croyez ? Pourvu qu'elle soit là. Il aurait dû signer. Il aurait dû. Peut-être. Mais c'était clair, non. "Mon Amour". Un amour, on n'en a qu'un, il avait pensé. Elle devrait comprendre, à 15h, au-dessus du numéro 16 du lotissement des écureuils.

mardi 11 janvier 2011

Comment dire ? #1

Bonne année ma vieille.

L'année avait été difficile.
Après tout, elle avait bien le droit de se lâcher un peu.
Elle avait bien le droit, non ?
On la connaissait à peine ici. Ou si peu. Le monde est petit, c'est vrai. Et tout ceci remontrait bien un jour aux oreilles de certains.
Mais tant pis.
L'année avait été difficile.
Et puis, elle rentrait dans cette vieille petite robe noire. Ce genre d'exploit, ça se fête. Et pas qu'un peu. Une vieille petite robe noire taille 38. Elle l'avait retrouvée au fond de son armoire. Tout au fond, là où elle n'allait plus. Tout au fond, avec les bougies, l'huile de massage et ces vieilles photos. Elle avait été contente de la retrouver, cette petite robe noire. Taille 38. Elle l'avait presque oublié. Comme ces photos.
ça aurait été mieux d'oublier. Mais enfin, elle l'avait retrouvée, la petite robe noire taille 38. Et elle rentrait dedans. Le zip avait poursuivi son ascension jusqu'à ce que la robe soit complètement scellée. Ziiip. De bas en haut. Pas de bruit suspicieux. Rien. Elle rentrait parfaitement dans ce bon vieux 38. Elle l'avait retrouvée. Au fond de l'armoire. Avec les photos.
Alors, elle enchaînait les verres. Pour fêter sa petite robe noire. La petite robe qu'elle aurait préféré oublier. Mais elle l'avait retrouvé. Avec les photos. Au fond de l'armoire. Avec d'autres vieilleries qu'elle avait aimé retrouver.
Alors, minuit sonna. Bonne année ! Bonne année petite robe noire. Trinquons ma vieille. Et jurons de ne plus jamais nous quitter. Histoire de ne plus jamais avoir à nous retrouver. Au fond de l'armoire. Avec les bougies, l'huile de massage et les vieilles photos.
Bonne année ma vieille.

lundi 10 janvier 2011

Comment dire ?

"Bonne année !" Le point d'exclamation... Classique. Efficace. Sobre. Mais classique.

"Boooonne annééééée !!!!" Il y a du cœur, de la foi presque, de la bonne humeur en tous cas. Mais ça sent un peu le câlin gênant de la fin de soirée arrosée. Voire le vomi...

"Bonnet de nez." Le jeu de mots. Pas possible. Pas possible du tout.

"Tous mes vœux." Tous. Je vous les donne tous, je brade, vas-y prends tout et casse-toi.

"Mes meilleurs vœux."
Sauf pour toi là-bas, je t'aime pas, je te refile mes vœux les plus vilains.

Quant aux tentatives d'originalité : "belle année", "douce année", blablabla...

Mais c'est pas possible, même quand le coeur y est, rien à faire, on échappe que difficilement aux formules routinières.

Comment dire alors ?

Mais oui, comment dire ?