mardi 1 septembre 2009

"Bon souvenir" ou comment, avec des "si", on peut mettre Paris en bouteille.

Le 11 Août 1937, Mr Achierdi écrit à sa fiancée. Une carte postale représentant des paysages de montagnes, postée depuis Saint-Etienne-de-Tinée, dans les Alpes Maritimes. Juste quelques mots. Deux mots. D'un amoureux à son amoureuse : "Bon souvenir."
Monaco. 1969. FernandeRobéri quitte notre monde. Quelle vie aura-t-elle eu ? Est-elle mariée ? A-t-elle été heureuse ? L'histoire ne le dit pas. On sait seulement que si mari il y a eu, ça n'était pas Mr Achierdi.
Parce que cette carte, l'apprentie coiffeuse ne l'a jamais reçu. Au centre de tri de Nice, la carte a attendu 72 ans. Echouée derrière un meuble... Le 25 Août 2009, la carte arrive à bon port. Trop tard bien sûr. L'histoire de Mr Achierdi et de sa fiancée, avec qui il ne s'est finalement pas marié, a-t-elle été bouleversée par cette missive perdue ?
Si Fernande avait reçu cette carte ? Elle aurait pris le premier train. Elle aurait rejoint son cher et tendre. Il serait peut-être parti à la guerre. Fernande l'aurait attendu, accrochée aux mots qu'il lui aurait envoyé chaque semaine. Les cartes postales aux paysages enchanteurs auraient semblé bien loin. Fernande n'aurait reçu que quelques mots griffonnés sur un papier un peu sale, un peu déchiré.
Pour ma part, d'emblée, j'aime Fernande et Mr Achierdi. Ils sont en bonne place dans mon panthéon personnel, à côté des héros quotidiens dont j'admire la simplicité, dont l'humble histoire me tire la larmichette. J'aime leur histoire inachevée qui rend tout possible et imaginable. Une histoire qui n'a pas besoin de littérature. Qui se contente de deux mots. "Bon souvenir." J'aime la couleur Amélie Poulainesque de cette histoire. J'aime imaginer l'écriture de Mr Achierdi, les boucles blondes de Fernande. Ses jupes sous le genou. Les timbres de 1937. La carte postale jaunie. Le moment où elle glisse derrière un meuble. J'aime le champ du possible laissé par cette histoire. Ce trou noir qui n'impose rien. Cette liberté qui offre le droit de tout imaginer. L'histoire n'a pas besoin de méchants saboteurs. Elle se suffit à elle-même. J'ai le droit de penser que, si la carte avait suivi son chemin, si elle s'était lovée doucement dans la boîte aux lettres de Fernande, l'histoire aurait eu un "happy end" digne de ce nom.
Les petites et les grandes histoires sont faites de petits et de grands râtés. Des "si" qui auraient pu changer le monde, le perdre, le sauver. Avec Fernande et Mr Achierdi, j'ai droit à tous les "si" de la terre. Je mets Paris en bouteille.

1 commentaire:

  1. Paris en bouteille je veux bien mais dans du rosé frais. ça prolongera les vacances !

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