Plus que la parole

Quand on dit qu'il ne leur manque plus que la parole... Nous vivons à trois à Trélazé. Xavier et moi mais aussi Brinkley. Une sorte de personne déguisée en chien pour tromper l'ennemi. En réalité, Mademoiselle a des sentiments. Et les exprime. Quand Xavier se lève le matin, Mademoiselle ne bouge pas. Elle se cale sur le rythme de sa maîtresse et a bien saisi la chose : quand Xavier se lève, il nous reste à toutes les deux une petite demi-heure de demi-sommeil. Quand je daigne enfin me lever, la journée commence pour Mademoiselle et avec elle le ballet incessant, petite musique bien rythmée, des ongles de Mademoiselle sur le parquet. Tic tic tic. Je caresse la tête de Mademoiselle (un peu honteuse tout de même que le premier câlin de la journée soit pour Mademoiselle plutôt que pour mon mari...) Xavier devrait peut-être mettre en place une petite danse semblable à celle de Mademoiselle ; danse qui consiste à tourner des fesses en tendant la tête et en se collant le plus possible à vos jambes... Si, si, Xavier, tu peux le faire. Pendant le petit-déjeuner, je me sens un poil observée. C'est le moment où Xavier s'agace et renvoie le chien (pardon, la personne) dans son panier. Cela ronchonne dans les chaumières et Mademoiselle se couche en marmonnant. Avec un décodeur, je pense que l'on comprendrait "Il m'agace l'autre à tout le temps me dire "Sors de là", "Au panier". Si on peut plus vivre tranquille dans ce pays..." A peine la porte de la maison refermée, Mademoiselle quitte son panier et se rue à mes côtés. Bien sûr, je la gronde. Si, si. Je la gronde violemment et je ne la caresse surtout pas. Vient l'heure de la gamelle. Vraie leçon de cinéma. Mademoiselle sort ses plus grandes répliques dignes d'une tragédie. Quand je finis par partir, j'ai droit au regard qui tue, la grande supplique sensée vous arracher le coeur. "Je t'en supplie, ne m'abandonne pas." Je dois alors réunir toutes mes forces et accepter d'abandonner pour la journée ce petit être fragile et innocent...